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Jean-François Hache, le plus célèbre des ébénistes grenoblois

Grands maîtres de l’ébénisterie et de la marqueterie, les membres de la dynastie Hache ont marqué l’histoire de Grenoble du XVIIe au XVIIIe siècle. En particulier Jean-François, issu de la quatrième et dernière génération. Retour sur cette prestigieuse destinée alors que le Musée dauphinois prépare une exposition exceptionnelle pour 2026.

Dans le chœur des religieuses de la chapelle du Musée dauphinois, un meuble remarquable trône sur son piédestal rouge. Un bureau de pente Louis XV aux formes bien galbées, aux pieds si fins, plaqué de cerisier et incrusté de sycomore. On reste bouche bée devant la délicatesse des ornementations qui foisonnent sur l’abattant : fleurs dorées, papillon enfantin, feuillage tout en légèreté… Au gré des reflets, la marqueterie révèle toutes ses nuances. D’élégants tiroirs et une tablette coulissante se cachent à l’intérieur. Nous voici devant un ouvrage signé Jean-François Hache, petit-fils d’une dynastie d’ébénistes qui a marqué l’histoire de la région grenobloise.

Quatre générations de maîtres ébénistes

Originaire du Nord de la France, le fondateur de la dynastie, Noël Hache (1630 – 1675), s’établit ensuite à Toulouse où il commence à faire rayonner son nom. C’est son fils Thomas qui, après une formation comme compagnon à Chambéry, s’installe à Grenoble à la fin du XVIIe siècle. Dès lors, sur plusieurs générations jusqu’à la Révolution française, la famille Hache se forge une réputation exceptionnelle dans le domaine de la marqueterie et de l’ébénisterie. Leur capacité à fabriquer tout type de pièces (secrétaires, tables, armoires, coffrets, jeux d’échecs, commodes, etc.) et la grande qualité des ouvrages séduisent la très haute aristocratie. La noblesse parisienne passe des commandes régulières, conférant une place à part à cette dynastie provinciale.

© Eloïse Mahieux

Une histoire grenobloise

Les ébénistes Hache deviennent ainsi des figures de la vie grenobloise, connectés à toute la notabilité locale. De nos jours encore, leur âme et leur nom n’ont pas quitté les lieux. Il y a bien sûr la rue Jean-François-Hache non loin des Halles Sainte-Claire. Mais aussi ces deux plaques informatives qui rappellent l’implantation de leurs ateliers, place Claveyson et rue Voltaire. En signant les meubles de la fameuse estampille « Hache à Grenoble », les ébénistes témoignaient aussi de leur attachement à la capitale des Alpes.

 

© Eloïse Mahieux

Loupes et ronces délicates

© Eloïse Mahieux

Jean-François, le petit-fils au sommet

De toute la dynastie, Jean-François Hache (1730 – 1796), l’un des petits-fils, connaît la plus forte notoriété. Il est le plus doué de la quatrième génération, mais également celui qui donne le plus grand nombre de pièces à la postérité. Héritier d’une famille bien installée, il se montre doué en affaires et jouit d’une certaine prospérité. Cet avant-gardiste a l’idée de coller sur le bois de ses œuvres une étiquette présentant l’ensemble de sa production. Une véritable trouvaille de publicitaire.

Jean-François Hache est inquiété lors de la Révolution française. Sa trop grande proximité avec les milieux aristocrates lui vaut d’être incarcéré à Grenoble, au sein du couvent Sainte-Marie-d’en-Haut, transformé alors en prison. Il meurt de la goutte quelque temps après sa libération. Avec lui culmine et s’éteint l’histoire de ces grands maîtres de l’ébénisterie.

Ces meubles sont d’une grande fraîcheur et d’une grande modernité

Olivier Cogne Directeur du musée dauphinois

Une exposition au Musée dauphinois en 2026

Clin d’œil de l’histoire, c’est dans ce même couvent, devenu depuis le Musée dauphinois, que l’on peut aujourd’hui admirer un de ses meubles, avant une exposition événement prévue en 2026 (voir interview ci-dessous). D’ici là, pour découvrir le formidable travail des Hache, direction le château de Longpra à Saint-Geoire-en-Valdaine, dont les décors, boiseries et parquet sont l’œuvre des célèbres ébénistes.

 

© Eloïse Mahieux

Un style unique

Comment reconnaître un meuble hache ?

Aussi beaux que fonctionnels et élaborés à partir d’essences de bois diverses, les ouvrages de la dynastie Hache sont reconnaissables entre tous. D’une grande virtuosité, les pieds de certaines pièces sont d’une extrême finesse mais leur solidité impressionne les experts, si bien que ces meubles traversent le temps sans perdre leur éclat. Les Hache dessinent également des formes très modernes, qui tranchent avec le mobilier montagnard de l’époque. Jean-François Hache se distinguera d’autant plus par l’utilisation de bois alpins pour ses marqueteries et l’emploi innovant de loupes et de ronces

© Hugo Vérit

2026, l’année Hache

Après celles de 1973 et 1997, une troisième exposition Hache se prépare au Musée dauphinois.
Entretien avec le directeur du musée, Olivier Cogne, qui nous présente les enjeux de ce grand événement à venir.

Début 2026, le Musée dauphinois proposera une exposition dédiée à la dynastie Hache. Qu’est-ce qui a motivé cette décision ?

Il y a déjà eu deux expositions Hache au Musée dauphinois, l’une en 1973, l’autre en 1997. Nous disposions déjà d’une belle collection de mobilier Hache et, en 2022, nous avons bénéficié d’une donation exceptionnelle par Anne-Catherine Jouanneau. Il s’agit de la collection de son père, Maître Stéphane Jouanneau, avocat grenoblois renommé et amateur d’art. Soit 19 meubles signés Hache qui sont des pièces majeures, parmi lesquelles un grand bureau Mazarin du XVIIIe siècle réalisé par Thomas Hache, beaucoup de commodes, notamment une commode rougie très étonnante, ou encore le bureau de pente exposé actuellement dans le chœur des religieuses en préfiguration de l’exposition.
Nous avons également sollicité des prêts auprès de Jacques Glénat, des châteaux de Sassenage et Longpra.

 

Ce sera donc la troisième exposition Hache au Musée dauphinois. Comment expliquer cette récurrence ?

Le Musée dauphinois est très attaché à la transmission de savoir-faire locaux. Et quand on fait le point sur les grands savoir-faire artisanaux et industriels dans l’histoire locale, on s’arrête très rapidement au XVIIIe siècle sur la famille Hache. Il nous paraît donc important de la mettre en lumière aujourd’hui.

 

Quel est l’angle choisi pour cette future exposition ?

Si nous souhaitons bien sûr rappeler l’histoire des Hache et donner à voir ces meubles dans leur diversité et dans leur beauté, nous aimerions établir des correspondances (peut-être des inspirations inconscientes) avec les designers du XXe siècle et ainsi dépoussiérer l’image de ces meubles anciens, les ouvrir à un public plus large. Ce sera la vraie nouveauté de cette exposition. Il s’agira aussi de mettre cela en parallèle avec l’ébénisterie actuelle dans notre région. Nous espérons enfin, en préparant cet événement, renouveler un peu l’état de la connaissance historique sur les Hache, qui est parfois difficile à retracer car il n’y a pas beaucoup d’archives à leur sujet.

 

Personnellement, qu’est-ce qui vous touche le plus dans le travail des Hache ?

Je suis très étonné par l’état de conservation de ces meubles. La marqueterie, les peintures sont d’une grande fraîcheur alors même qu’elles datent de deux ou trois siècles ! J’apprécie aussi la modernité de certaines formes et l’ingéniosité de la fabrication. Il y a une maîtrise extrêmement technique des espaces, de la géométrie, du calcul. Cette façon d’articuler les pièces entre elles force l’admiration.

Visiter le Musée dauphinois

30 rue Maurice-Gignoux
38031 Grenoble
Musée dauphinois
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