Retrouvez toutes les infos pratiques pour organiser votre découverte de l’Isère.
Emparis, quand la montagne s’empare du cœur
Site d’exception pour la randonnée au cœur des Alpes, le plateau d’Emparis offre un belvédère immense sur le légendaire sommet de la Meije et ses glaciers. Plusieurs sentiers parcourent cette steppe d’altitude, émaillée de lacs et d’une zone humide classée Natura 2000.
Entre deux énièmes vagues de pluies, une fragile éclaircie nous invite ce matin d’octobre à entreprendre une équipée sur le plateau d’Emparis. De maigres chutes de neige au-dessus de 3000 mètres d’altitude ont reblanchi les glaciers : leur éclat neuf doit magnifiquement contraster avec les pelouses roussies d’automne juste en-dessous. Nous voulons en prendre plein les yeux, l’époque est sans doute idéale pour s’émerveiller de cette ambiance, loin des foules de l’été. Qu’importe le ciel un peu laiteux, il ajoutera au mystère et à la beauté rugueuse des paysages.
Des couleurs saisissantes
Trois portes différentes donnent accès au plateau. Le village de Mizoen, accroché au-dessus du barrage du Chambon, s’adresse aux randonneurs disposant le plus de temps. À l’opposé, côté Hautes-Alpes le hameau du Chazelet, au-dessus de La Grave, conduit à Emparis en moins d’efforts. Nous choisirons la voie médiane par-delà Besse-en-Oisans, bourg typiquement alpin dans ses habits de pierres plates.
Un premier raidillon entre bouleaux et trembles parés d’or massif et nous voilà, près d’une zone de bivouac, au départ du sentier GR54. Il se faufile dans un thalweg buissonnant avant de déboucher sur les prairies brunes. Une large bande de ciel bleu fait éclater sur notre gauche la blancheur du massif des Grandes Rousses.
Une vie au ralenti
Des bandes bavardes de chocards à bec jaune encouragent la première partie de notre montée. Nous nous rappelons d’une autre année, d’un mois de juillet verdoyant, où les orchidées sauvages, les joubarbes et les épilobes bourdonnaient ici d’insectes. Cette fois, seules les étoiles des carlines, ces gros chardons plats, constellent les pentes.
Plus rien ne bouge ou presque : un papillon Vulcain erre mollement d’un myrtillier fané à l’autre, les ailes usées d’avoir trop volé. 9h40 : l’air est encore frais, mais l’effort dû à la déclivité fait monter la température sous le pull.
Immense théâtre de steppe
Quelques lacets dénoués après le col Nazié nous hissent enfin sur le plateau d’Emparis. Dans quel pays sommes-nous arrivés ? Quelle contrée steppique avons-nous accostée par ces deux heures de montée ? Le paysage devant nous a déréglé la boussole : le refuge du Rif Tort et le chalet Barthélémy semblent les dernières traces de vie humaine dans ce paysage désarmant de beauté nue. Plusieurs crêtes en pente douces, dominées par la pyramide du Pic du Mas de la Grave, ferment les perspectives de cet immense théâtre.
À son balcon, les aiguilles d’Arve se penchent comme des personnages, captivées par le spectacle quasi sensuel qui se joue dans la lumière vaporeuse.
Une biodiversité exceptionnelle
Depuis le col Saint-Georges, on passe près du chalet Favre où, surprises, deux marmottes encore éveillées malgré la date tardive sifflent notre approche. Nous descendons vers la zone humide alimentée par le ruisseau du Rif Tort. Fragile, cette tourbière d’altitude est interdite de piétinement. Elle concentre des espèces végétales patrimoniales et attire de nombreux oiseaux, dont le pluvier guignard à la fin de l’été. Ce petit échassier au plumage discret niche dans la toundra arctique et trouve ici une halte paisible lors de sa migration post-nuptiale. En cette mi-octobre, il a déserté les lieux, mais des passereaux traînent encore. Nos jumelles débusqueront ici rougequeues noirs, traquets motteux, pipits spioncelles et autres linottes mélodieuses.
L’endroit est également très fréquenté par le Gypaète barbu d’après les données du Parc national des Écrins, mais deux Faucons crécerelles seront aujourd’hui les seuls rapaces aperçus.
Après avoir franchi le gué, nous choisissons de délaisser le GR50 foulé par un trailer esseulé tout au loin, pour prendre la direction du lac Cristallin. Le chemin se raidit bientôt dans une pente rocheuse. Au détour d’un mamelon, nous voilà au bord du petit lac, dont une brise soutenue ride la surface. La vue sur les sommets de l’autre côté de la vallée de la Haute Romanche est saisissante. À peine visible, le funiculaire du Dôme Express traverse le glacier du Mont de Lans. Au second plan émergent des brumes le cône de la barre des Écrins et la roche de la Muzelle.
randonnée d'exception
L’un des plus beaux panoramas des Alpes
Nous nous hisserons à peine plus haut ensuite pour atteindre le plateau d’Emparis en son cœur. Encore animé par un large troupeau de bovins, l’endroit a aussi gardé la trace spongieuse des pluies des jours précédents. Il faut zigzaguer entre les flaques et les mares, royaume des Grenouilles rousses au printemps, tout en saluant les vaches dont les clarines font tinter toute la musique qu’on aime entendre des alpages.
Les sonnailles annoncent le spectacle. Nous voilà aux premières loges de l’un des plus beaux belvédères des Alpes, face à l’imposante cordillère qui va de cette Meije mythique à gauche au pic de La Grave à droite, en passant par les dents du Râteau. Le glacier de la Girose pousse sa langue nivale jusqu’au bord d’un sombre précipice sillonné de cascades nacrées. Ce n’est pas tant l’altitude que la splendeur du décor qui coupe le souffle. La nébulosité insistante ne dissout rien de la magie.
Deux lacs pour s’y mirer
Ce cortège de hauts sommets avait besoin d’un miroir pour interroger sa beauté ? Le plateau d’Emparis lui en a tendu deux ! Tout au bout du plateau d’Emparis, le lac Noir d’abord, couronné de vaches. Puis à un quart d’heure de là, le longiligne lac Lérié. Les deux plans d’eau reflètent fidèlement les montagnes en majesté. Entretemps, nous avons croisé un photographe animalier. Il avait passé la nuit ici, perché sur un monticule en tenue de camouflage, pour guetter dès potron-minet une famille de chamois suspendue au-dessus de mille mètres de vide.
Après le lac Lérié, le jour avançant plus vite que nos pas, il a fallu tourner le dos à ces merveilles. Nous devions encore rejoindre le col du Souchet au nord pour revenir ensuite sur le GR50 et entamer la longue redescente vers Besse. De temps en temps, nous nous retournions pour admirer encore le sommet de la Meije. Figure amie que les pentes dévalées masquaient peu à peu. Après un dernier virage, nous la vîmes brusquement disparaître.
Se ressourcer dans la nature au refuge de la Boire
Terrasse ou jardin - Toilettes sèches