Antoine Depierre, retour à la terre

Malgré l’heure matinale, la lumière chaude de la fin d’été habille déjà le domaine Mayoussier de reflets mordorés. Partout autour de l’imposant ensemble de bâtisses qui constituent le « Belle », – domaine présent ici depuis le XIe siècle – s’étendent des vignes, alourdies en cette saison de belles grappes aux grains serrés.

Alors qu’il nous emmène faire le tour du domaine, Antoine goûte régulièrement des grains issus des différents cépages cultivés sur ses terres. Persan, Viognier, Pinot gris, les fruits manquent encore d’une dizaine de jours de maturité avant récolte nous dit-il, pour gagner en sucrosité.

À le voir déambuler si à l’aise à travers les rangs, regard rieur et pas assuré, on n’imaginerait pas qu’il a occupé une partie de sa vie de palaces en hôtels de luxe, de Dubaï à Miami en passant par Londres ou Berlin. Alors sommelier aguerri à des grandes tables, ce spécialiste des petits détails a un jour choisi d’opérer une grande transformation dans sa vie, la vingtaine accomplie. Un retour aux sources généré par une prise de conscience, comme pour donner du sens à son existence.

« J’en ris maintenant mais quelle bêtise, il me manquait la moitié du budget pour mener correctement le projet.»

Quoi de mieux pour cela que de plonger au plus près des racines de ses ancêtres, et se mettre au défi. Le challenge paraît simple : « Je souhaitais créer de la vie autour de ce bâti, la vigne en est le symbole, et pour moi le point de départ d’une multitude de choses. » Celui qui s’estime le simple maillon d’une longue chaîne familiale a laissé parler son amour de la nature et de la terre de ses ancêtres.

Il fonde alors le domaine. Sur ce dernier qui n’a jusqu’alors connu que quelques pieds de vigne pour la consommation familiale, il en établit sur trois hectares. « J’en ris maintenant mais quelle bêtise, il me manquait la moitié du budget pour mener correctement le projet ».

Pour autant, le raisin a de tous temps habité le Royans. Les vignes s’y sentent bien, et rapidement il obtient une jolie production, et une belle reconnaissance du public comme des professionnels. Mais l’homme ne peut rien contre les éléments, et le grand gel de 2017 a failli avoir raison de ses ambitions. « Mais j’avais toujours dans l’idée de transmettre à la future huitième génération », sourit-il.

Ainsi sans mettre de côté l’exploitation viticole, il a su mettre à profit son expérience au service d’une diversification bienvenue. Le domaine s’est donc doté d’une étonnante exposition permanente qui regorge de détails croustillants, propose des escapades-découvertes en trottinette électrique, ou encore des soirées guinguettes in situ pour profiter de la langueur des soirées d’été…

Les yeux d’Antoine s’illuminent quand il évoque autour d’un verre de vin le four à pain de 1922 qu’il souhaite à coup sûr réhabiliter, afin d’accueillir prochainement l’âtre d’un boulanger. Soit une nouvelle raison de revenir avec plaisir au domaine Mayoussier.